mardi 8 janvier 2013

Celui qui avait des difficultés à faire son coming out


Je suis porteur d'un syndrome d'asperger depuis ma naissance. Mais très peu de personne sont réellement au courant de ce fait.
Parmi ceux qui me côtoient au quotidien, certains se doutent que je suis légèrement différent. Mais pour la plupart je suis simplement quelqu'un d'original et d'un peu particulier.
On me considère selon les cas comme réservé ou timide. On trouve que je suis souvent perdus dans mes pensées ou un peu distant. Selon comment l'on m'aborde on peut trouver que je suis soit quelqu'un de cultivé ou soit un ignare. Je suis quelqu'un qui parle peu et surtout pas de sujet qu'il ne connait pas. En définitive je suis quelqu'un de difficile à saisir et selon votre vision du monde vous pourrez m'apprécier ou ne pas m'aimer. Tout dépend comment vous concevez la vie. Je suis un peu comme un verre d'eau, soit vous me voyez à moitié plein, soit vous me voyez a moitié vide.
Il est difficile pour moi d'annoncer que je vis avec un syndrome d'asperger. C'est problématique de parler aux autres d'une situation qu'ils ne comprennent pas. En France le syndrome d'asperger n'est pas vraiment connu contrairement à beaucoup d'autre pays où il est bien plus médiatisé. Si je dis à quelqu'un que je suite myope ou diabétique il saura de quoi je lui parle mais si je lui dis que j'ai un syndrome d'asperger il va être un peu perdu. Si en plus je lui parle d'autisme ou de TED je risque soit de le faire rire en pensant que je lui fais une bonne blague ou alors je vais le faire flipper.
Il m'arrive certaine fois de "tâter" le terrain en parlant de troubles autistiques pour voir l'accueil réservé au sujet. Si je vois que le sujet passe bien, je peux continuer en disant que l'on côtoie peut être des personnes atteintes de ce problème sans le savoir. Je peux suggérer que je suis peut être concerné. Là, dans 99% des cas je m'entends dire au milieu de rire "mais non tu es normal toi". Que dire de plus dans ce cas...
Il est difficile d'expliquer aux autres que je tiens un rôle à longueur de journée. Le rôle de quelqu'un de normal. À force de le pratiquer je le maîtrise bien. Je connais les lignes de mon texte par cœur. Je sais quand il faut rajouter une petite pointe d'humour pour enrober le tout et faire passer la pilule. Mais assumer un rôle 10/12 heures par jour n'est pas chose aisé. Peu d'acteur sont en représentation autant de temps d'affilé sans souffler un peu.
Quand on me dit que je suis normal je le prend comme un compliment et une reconnaissance de mon travail  au quotidien. Certaine fois je me dis que je mériterais un Oscar pour mon rôle dans "Une journée dans la peau d'un neurotypique".
Néanmoins, quand je rentre chez moi le soir après une telle journée je suis littéralement épuisé par ces efforts constants.
Je suis obligé de travailler pour vivre, mais une journée de travail pour moi est une double journée : une journée où je fais ce pour quoi on me paye et une journée de représentation.
Le soir en semaine je me sens incapable de faire autre chose tellement je suis vidé. Là où quelqu'un d'autre sortiras pour se faire un restau, un ciné ou voir des amis moi je ne peux qu'envisager de rester seul chez moi à lire ou regarder la télé.
Cela ne veut pas dire que je ne veux pas sortir de chez moi mais bien souvent je suis tellement surchargé émotionnellement et sensoriellement parlant que je ne peux plus rien faire d'autre.
Sur cette dernière année j'essaie de me faire violence en m'inscrivant dans des activités sociales notamment autour des jeux de société par le biais d'un club et de soirées jeux organisées par une boutique. Malheureusement, certaines fois je suis tellement accablé que je ne me sens pas capable d'y aller et je trouve des excuses bidons pour justifier mon absence.
Si ceux qui me pense normal voyaient l'envers du décor une fois le masque tombé ils changeraient certainement d'avis.
Bien souvent je me vois comme Sisyphe condamné à pousser son rocher jusqu'en haut de la colline pour le voir dégringoler dans la foulée et devoir recommencer encore et encore.
Depuis peu, je profite de la création de ce blog pour me servir de carte de visite auprès de certaines personnes auxquelles je souhaite exposer mon statut.

4 commentaires:

  1. Nul n'est parfait ;)Et j'ai de plus en plus le sentiment d'avoir des points communs que je découvre au travers de tes témoignages.
    Viens quand tu veux nous retrouver à Jouatout car je pense que nous t'avons accepté tel que tu es et que nous avons plaisir à partager de bons moments en ta compagnie :)Bisous
    Chantal

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  2. L'idéal serait un bureau tout seul....ou bien tu n'es pas obligé de parler autant puisque certains connaissent à présent ton fonctionnement.
    Cela pourrait peut être économiser ton energie en restant dans ta bulle.
    A eux peut être de respecter des temps de poses....afin que tu ne soit pas sollicité constamment.
    Stéphane

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    1. Je ne pense pas qu'un bureau seul serait une solution. Je préfère être avec des personnes que j'apprécie que d'être seul. Ce serait baisser les bras et choisir la solution de facilité que de vouloir encore s'isoler plus.
      Il m'arrive effectivement de trop parler et de surjouer par moment. J'ai encore du mal par moment à savoir si j'en fais trop ou pas assez. J'ai peur de mettre les gens mal-alaise ou de les blesser si je ne leur répond pas correctement.

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  3. Je préfére aussi la configuration actuelle du bureau car on apprend sur soi et les autres, c'est plus enrichissant, vivant que de rester seul dans un bureau.
    Je me rend compte que j'ai tendance également à surjouer et cela devient l'escalade mais la description de ton syndrome d'asperger me permet de mieux te comprendre.
    Après, le fait d'avoir peur de mettre les gens mal-alaise, tu ne peux tout contrôler et c'est quelque part le problème de la personne qui perçoit l'information (mis à part le fait de l'agresser mais ce n'est pas le cas).
    Il faut continuer à maintenir l'ambiance,l'échange,la convivialité, le travail dans la bonne humeur car c'est primordial dans des relations au travail même si ce n'est pas toujours de tout repos.
    Stéphane.

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