Comme tous les enfants j’ai lu des bandes dessinées issues de l’univers de Disney que ce soit des aventures de Donald, Mickey ou d’autres personnages. Il faut dire que cet univers est décliné en BD depuis les années 30 et que Disney a vendu les droits d’adaptations de ces personnages à de nombreux éditeurs au travers de la planète qui à leur tour ont eux même développés leurs propres histoires. Au milieu de cette profusion d’histoire, de pays différents et d’auteurs il peut être un peu difficile de s’y retrouver. Néanmoins, certains auteurs ont tellement marqué leur empreinte par la qualité de leurs histoires et de leurs dessins qu’ils sont devenus des incontournables et que leurs histoires sont devenues canon.
Carl Barks est un de ces auteurs incontournables et est pour beaucoup l’équivalent d’un Hergé ou d’un Jacob. Pendant plus de 30 ans, des années 30 aux années 60, il a scénarisé et illustré aux Etats Unis les aventures de Donald créant tout un univers de lieux et de personnage dont tous les autres auteurs se sont inspirés par la suite. Les éditions Glénat éditent petit à petit depuis plusieurs années l’intégrale de l’œuvre de cet auteur culte.
Parmi les nombreux personnages qu’il a créé se trouve celui qui nous intéresse aujourd’hui à savoir Scrooge McDuck ou pour nous français Oncle Picsou.
Ce personnage a été introduit dans l’univers de Donald en 1947, mais depuis il n’avait jamais vraiment vu ses origines racontées. Carl Barks, tout au long de ses innombrables histoires, avait lancé toute une série d’indices par le biais de souvenirs racontés par son personnage.
A la fin des années 80, les comics Disney subissent la même traversée du désert que l’ensemble du secteur. Histoire de se renflouer Disney autorise plusieurs éditeurs à développer des histoires autour de ses personnages. Un éditeur danois, Egmont, en profite pour mettre sur pied un projet de série autour de la jeunesse de Picsou et en confis la réalisation à Don Rosa un auteur travaillant déjà sur cet univers pour Disney USA, plusieurs éditeurs scandinaves et Hachette en France.
Le choix était fort judicieux, car Don Rosa est un amoureux de cet univers et un adepte de Carl Barks qu’il considère comme son maître. Il va donc développer une histoire en 12 chapitres racontant la jeunesse de ce personnage et son évolution vers le personnage que nous connaissons tous.
Si pour cela il va développer ses propres histoires, il s’appuie néanmoins sur l’œuvre de son maître Barks en reprenant toute les références dont ce dernier avait truffé ses histoires. Ainsi le lecteur assidu de Barks peut retrouver toutes ces références et pendre plaisir à lire ce récit fait « à la manière de ». Don Rosa pousse même la perfection en imitant le style de dessin de barks tout en vieillissant son style afin de lui donner un charme ancien.
Cette série « La jeunesse de Picsou » est regroupée en France dans deux ouvrages parus chez Glénat. Le premier tome reprend l’intégrale de la série initiale en 12 chapitres parue de 1992 à 1994. Le deuxième volume reprend lui plusieurs histoires écrites par la suite et qui s’insèrent dans le récit initial comme des chapitres bonus de l’histoire du personnage. Les différents récits sont tous complétés par des textes de Don Rosa où il explique, à la façon d’un commentaire audio de DVD, le pourquoi du comment de ses histoires, les références de Barks dont il s’est inspiré et une foule d’autres détails.
Cette série a value à Don Rosa le prestigieux Eisner Award (l’oscar américain de la BD) en 1995 et la reconnaissance de ses pairs en tant qu’invité d’honneur à plusieurs reprises au festival de la BD d’Angoulême.
Fort de succès de cette série, Don Rosa a continué à écrire les aventures de son personnage fétiche Oncle Picsou jusque dans le milieu des années 2000. Glénat doit d’ailleurs poursuivre l’édition des aventures de Picsou en publiant ces récits dans les volumes suivant de cette intégrale.
Personnellement, je ne suis pas fan des productions Disney. Il faut dire que je n’en avais plus lu depuis une éternité (vraisemblablement mes 8/10 ans) lui préférant largement les comics Marvel/DC ou la BD franco-belge plus matures. J’ai pourtant pris beaucoup de plaisir à lire ces deux ouvrages par leurs qualités tant scénaristiques que graphiques. Les récits présentent plusieurs niveaux de lecture et si le gros de l’intrigue reste basique et enfantine l’évolution du personnage reste fascinante.
On suit effectivement le personnage de Picsou de sa petite enfance en 1877 à Glasgow en Ecosse où il va gagner son premier sou fétiche en tant que cireur de chaussure jusqu’à sa première apparition officielle dans l’univers de Donald en 1947 comme l’avait alors raconté Barks. Picsou va traverser ces 70 années d’histoires à la façon d’un Forest Gump en rencontrant des personnalités célèbres ou en étant présent et en influant sur des grands événements de l’histoire. Bien qu’étant à la base un récit pour enfant j’ai été surpris par les thèmes évoqués et le traitement du personnage. Au début on a un Picsou jeune, sympathique bien qu’un peu radin et l’on va le voir évoluer vers un personnage avare, odieux et méprisable que tout le monde va fuir et qui va se réfugier dans la rancœur et la méfiance des autres. Petit à petit on assiste à sa bascule du « côté obscur » d’une façon assez surprenante pour un récit pour enfant. L’auteur truffe ses récits de nombreuses références plus destinées à un lectorat adulte, comme par exemple l’hommage à Citizen Kane dans la dernière histoire.
Au final, il s’agit là d’une lecture très agréable à la fois rafraichissante (par sa qualité et les souvenirs qu’elle fait remonter) et surprenante par sa forme, sa maturité et son style que je ne soupçonnais pas.