Asperger



Enfant j'étais différent des autres enfants de mon âge.
Je ne comprenais pas le monde qui m'entourait ni mes semblables.
Résultat je me repliais sur moi même et m'isolais des autres.
On disait de moi que j'étais timide et solitaire.
Les autres aiment bien mettre une étiquette à tout le monde cela les rassure...

J'étais empoté et maladroit et là où les autres brillaient par leur adresse et leur exploits sportifs j'étais médiocre dans les activités manuelles ou sportives.
Je me passionnais pour des sujets obscurs et m'y consacrais sans retenue m'isolant encore plus des autres qui ne comprenaient pas ces lubies.
Les livres et la télé étaient mes amis fautes d'avoir pour amis d'autres enfants.
Je ne comprenais pas les émotions et ne savais pas les lires sur le visage des autres.
Les sujets de préoccupations, les bavardages, les loisirs des autres m'étaient étrangers.
Je ne supportais pas que l'on me touche sans mon autorisation et ne pouvais pas supporter de fixer quelqu'un dans les yeux.
En gros j'en étais venu à penser que j'étais anormal.
Les autres enfants ne comprenant pas cette différence au mieux m'ignoraient ou pire me prenaient comme souffre douleur.

J'ai donc traversé mes vingt premières années comme un reclus coupé des autres.
À ma façon j'étais une sorte d'extraterrestre oublié sur terre par ses compatriotes sans le mode d'emploi des us et coutumes locales.


Histoire de pouvoir vivre avec les autres j'ai du apprendre ces codes obscurs, ces expressions abstraites du langage,  ces expressions corporelles et faciales étrangères.
Pour parfaire le tout j'ai créé ma "machine à faire semblant". Pour cela j'ai du assembler plusieurs modules. J'ai appris à singer ces expressions faciales bizarres. J'ai appris l'exercice étrange du bavardage ou l'art de parler pour ne rien dire. J'ai appris l'humour et l'ironie. Toute ces pièces et bien d'autres encore m'ont permis de créer ma machine à faire semblant qui est une sorte de masque social perfectionné que je porte dès que je dois côtoyer les autres.

Et cela à plutôt bien marcher, j'ai enfin pu avoir une vie sociale, certes pas terrible mais plus ou moins satisfaisante. Je pouvais enfin côtoyer les autres et me noyer dans la masse. Dès que j'étais seul je redevenais moi même et pouvais souffler tranquille loin du tumulte des autres.
Faire marcher ma machine à faire semblant est compliqué et très fatigant. Le soir venue après une journée de travail et avoir fait tourner ma machine pendant plusieurs heures je suis littéralement vidé.

Pendant près de 15 ans de vie d'adulte j'ai pu vivre parmi les autres en donnant le change tant bien que mal. Ma vie sociale était réduite au minimum technique mais je parvenais à avoir une vie professionnelle satisfaisante. Ma vie amicale était quasiment réduite au minimum syndical tout comme ma vie sentimentale. Il faut dire que je ne peux pas maintenir ma machine à faire semblant en permanence et ceux qui me fréquente sur une base régulière finissent toujours par voir les fêlures de mon armure et se méprennent sur mon problèmes prenant mon attitudes pour de l'indifférence, du mépris ou de la malhonnêteté.
Même si j'avais enfin un semblant de vie sociale je restais toujours cet extraterrestre perdus sur terre mais petit à petit comme un ethnologue j'avais appris les us et coutumes des autochtones.

Et puis un jours j'ai eu la révélation.


Comme le vilain petit canard j'étais différent parce que j'étais à ma façon un cygne noir.
Je travaillais à l'époque comme cadre administratif dans une association spécialisée dans le handicap mental ce qui était assez ironique pour quelqu'un comme moi. J'y côtoyais des enfant et des adultes dont certains souffrais d'autisme. Je trouvais chez ces personnes des similarités avec mon cas mais sans commune mesure dans le sens où eux ne pouvaient pas masquer leur état qui s'imposait à eux.
En discutant avec des psychiatres et des psychologues de cette association j'ai découvert une variante de l'autisme moins incapacitante mais très familière : le syndrome d'asperger.

J'ai passé des tests, exposé mon cas  et force a été de de reconnaître que j'étais bel et bien atteins de ce syndrome.
Découvrir cela a été un vrai soulagement car si j'avais toujours su que j'étais différent je savais enfin pourquoi, je pouvais mettre un nom sur mon problème et surtout je découvrais que je n'étais pas seul dans mon cas.
En France ce syndrome est peu connu du grand public et mal reconnu par les pouvoirs publics mais dans les pays anglo saxons et au Canada entre autre c'est très différent.
J'ai pu découvrir une communauté riche et soudée, échanger sur mes troubles et découvrir que quantité d'autre personnes les partageaient et vivaient avec eux.
Après 35 ans à croire être unique et anormal je me trouvais des semblables. J'avais même un nom à ma communauté, nous étions des aspies (diminutif de asperger) et les autres, les gens dit normaux étaient des NT pour neurotypiques.
J'ai découvert des techniques pour améliorer ma vie quotidienne, contrôler mes angoisses et mieux vivre au milieu des NT.
Peu de gens connaissent mon statut réel, même si ils sentent ma différence.
J'ai enfin pu utiliser mes faiblesses pour en faire des forces.
J'ai toujours besoin de ma machine à faire semblant pour vivre en société mais je me permets de baisser ma garde de temps en temps quand je suis avec des personnes que j'apprécie et que je sens compréhensive.
Au final j'utilise mon syndrome comme une force pour enrichir ma vie.

À bientôt 42 ans être un aspie ne présente pas que des inconvénients et je suis fier de certains de mes traits de caractère :
Je suis honnête à l'extrême et est du mal à mentir (même si cela peut me jouer des tours), je ne connais pas la méchanceté ni la duplicité, je suis bosseur et sérieux (même si c'est un peu trop certaines fois), je suis toujours d'humeur égale et je pense être quelqu'un de gentil...
J'ai des travers originaux et surprenant commun à certains des autres aspies que je connais. Par exemple je suis hyposensible dans certains cas et hypersensible dans d'autre. Je ne supporte pas la chaleur mais en revanche je ne crains pas le froid et je dois faire attention de ne pas me mettre en difficulté car mon corps lui peut en souffrir sans que je m'en rende compte. Je ne ressent pas la douleur comme il faut. L'année dernière par exemple suite à une chute dans les escaliers je me suis arraché un tendon d'Achille. Je ne ressentais pas de douleur même si mon corps lui menaçait de disjoncter en me faisant tomber dans les pommes. Aux urgences ne me voyant pas avoir mal ils ont failli me renvoyer sans voir que je m'étais vraiment fait mal...
Voilà je m'arrête là pour cette introduction.

Dans ce blog je parlerais entre autre de ce que c'est de vivre au quotidien quand on est atteins d'un syndrome d'asperger.

Articles consacrés à mon syndrome sur ce site :



9 commentaires:

  1. comment entrer en contact avec les gens quand on est terroriser? tu nous offre une bonne dose d'obtimisme a travers ce texte aimerai beaucoup rencontrer des belles personnes comme toi.Une aspi en détresse

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    1. Bonjour Anonyme, j'allais répondre à cet article...exactement la même chose que toi :D
      Si ça peut te rassurer, tu n'es pas seule à être quasiment "terrorisée"...ce qui rend même le diagnostic difficile puisqu'il faut encore tenter de s'adapter aux NT, par exemple à cause du téléphone...

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    2. J'aimerais pouvoir donner une recette facile pour aller au contact des autres mais malheureusement je n'en ai pas. en effet, si j'arrive à donner le change le temps de vivre ma journée de travail je ne peux pas dire que j'ai le contact facile. Ma vie privé ressemble plus à celle d'un ermite qu'autre chose. Les angoisses et la peur de l'autre cela me connait : être abordé par un inconnu, le téléphone qui sonne, quelqu'un qui sonne à la porte d'entrée,...

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  2. Très bon article, un résumé clair, précis et simple, ce qui n'est pas simple quand on est aspie...
    Encore non diagnostiquée, j'aurais pu écrire le même. Sur tous les niveaux.

    Je cherche des conseils (en français) destinés aux NT en couple avec un aspi. Des pistes de recherche ?

    Merci pour ton blog, je fonce en faire le tour !

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  3. Bonjour,

    Juste dire que la difference est un atout, enrichissante pour tous!!
    Je travaille aupres d'etres vrais, natures,et qui a chaque instant me ramenent a l'essentiel;
    Je leur dois un grand merci,et j'aime etre avec eux,sans qui ,je ne serais pas Moi;

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  4. Bonjour
    Merci pour ton blog que je viens juste de découvrir. Je me sens très connecté à tout ce que tu dis dans cet article, étant moi-même aspie fraichement diagnostiqué :-) Il m' a fallu 42 ans pour enfin mettre un mot sur cette fameuse différence et après être passé par une multitude d'expériences douloureuses,solitude, deuils, maladies, tentative de suicide, je suis enfin sorti du tunnel et depuis 6 mois, je revis, une autre énergie s'est réveillée et je suis enfin plus serein, plus centré sur le sens de ma vie. J'ai arrêté de m'inquiéter de ce que les autres ou la société pourrait penser de moi, de mes comportements parfois asociaux et de mon manque d'intérêt pour la culture de masse.
    Depuis, 6 mois, je réalise mes rêves et la vie est magnifique. Je suis en Asie en ce moment et je mets en place les bases d'une fondation dédiée à la musique, la spiritualité et la thérapie. Concrétement, je donne des stages et des spectacles autour du rythme, du clown et de l'improvisation vocale. La vie est belle...
    Une chose m'a attiré vers ton blog : j'ai grandi à Nantes, dans la résidence Jules Verne et mon adresse postale c'était rue du Capitaine Némo...
    Bonne journée et au plaisir.

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    1. Effectivement la vie est faite de hasard.
      Savoir ce que je suis a été également un grand soulagement pour moi aussi et m'a permis d'avancer et de me construire.
      Je m'assume tout à fait et ne cherche plus à faire comme les autres histoire de paraître "normal".

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  5. Bonjour à tous,
    je viens vers vous car je me sens démuni, je ne sais comment m'y prendre avec un enfant de 10 ans qui est autiste asperger.
    J'essaie de l'aider, de lui apprendre les codes de vie, mais j'ai beau les lui expliquer des tas de fois j'ai l'impression qu'il n'arrive pas à les acquérir.
    Il a 10 ans et pas d'amis, ça me fais terriblement de la peine.
    je suis démuni et je ne sais plus comment faire pour l'aider.

    Merci a vous tous.

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    1. Bonjour,
      Il m'est difficile de vous répondre car nos parcours et nos cas sont tous différent les uns des autres.
      Quand j'étais enfant personne ne parlais d'autisme asperger tout au plus on parlait de timidité maladive, de tempérament asocial ou de retard de développement. J'ai du me débrouiller tout seul et ce n'est qu'une fois adulte que j'ai su ce que j'étais vraiment.
      Apprendre les codes de la vie est très difficile et à 43 ans je continue toujours à les apprendre souvent à mes dépends. Même maintenant j'ai encore l'impression d'être un ethnologue lâché en territoire inconnu...
      J'ai toujours été un grand solitaire mais n'en ai jamais éprouvé de regret. Les livres ont été et demeurent mes seuls vrais amis. Les rares "normaux" que j'ai fréquenté m'ont souvent fait amèrement regretter ces "expériences"...
      Mais là encore c'est mon vécu personnel.
      Votre enfant est il triste d'être seul ?
      Bien souvent j'ai constaté que mes proches étaient triste pour moi car ils utilisaient leur propre échelle de valeur et de normalité.

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